Le mouvement Craft, épisode III, la Revanche…
Voici enfin venir la revanche, celle des artisans brasseurs, des passionnés, des associations qui œuvrent depuis bien longtemps, de toutes les filières qui gravitent autour de la bière artisanale. La revanche des houblonniers, des malteurs, des équipementiers, tous les « petits » qui n’avaient plus droit au chapitre, tous ceux qui avaient disparu et qui maintenant renaissent ou dont le flambeau est repris avec passion et peuvent enfin s’exprimer, développer leur art, faire honneur à leurs aïeuls, laisser court à leur imagination, faire revivre le produit.
Ils prennent leur revanche sur le système, sur la marche du temps, sur leur fin annoncée, ou leur disparition à priori inéluctable, leur revanche sur la standardisation, l’ennui, la pils d’âne quoi ! Leur revanche sur les industriels qui semblent occuper tout l’espace, satisfaire toutes les demandes, être inatteignables en termes de qualité, de prix, de moyens logistiques, technologiques et légalement inattaquables, hors de portée voire même protégés. Et c’est vrai, les défaites ont été sévères, les fermetures nombreuses. Satané profit !
Cela dit, on se calme, y’a-t-il vraiment revanche ? Ne pourrait-on pas plutôt dire que la bière artisanale trouve enfin sa place et la reconnaissance qu’elle mérite ? La Craft vient combler des niches laissées vacantes par les géants (voir Rubrique N°8), quelques miettes qui ne les intéressent pas. Mais quelles miettes ! Une petite dizaine de pourcent du marché, c’est que ça commence à chiffrer quand même là dis-donc.
On assiste à des renaissances de brasseries, mais aussi à la naissance du tourisme brassicole, de la cité de la bière, la naissance de nouveaux métiers, Zythologues, Biérologues, naissance des « créateurs de contenu« , des experts, des cavistes, des bars à bière, des conseillers en stratégie. Hélas il y aura peut-être aussi des dégâts collatéraux, la bonne vieille canette en verre disparaitra-t-elle ? Nos équipementiers résisteront t’ils à la pression asiatique ?
Ailleurs en Europe de vrais passionnés arrivent à se démarquer, Mikeller au Danemark ou Baladin en Italie depuis 1986. La Suisse est le pays avec le plus grand nombre de brasseries par habitant. Même en Allemagne où les traditions sont très présentes et très ancrées dans les mœurs le mouvement prend place. Au Royaume-Uni, pays des premiers combats, la tradition côtoie les plus modernes des Craft, n’est-il pas ?
L’association les Amis de la Bière, en assurant la défense, la sauvegarde et la promotion du patrimoine brassicole fait donc partie de ce grand mouvement mondial et devant les succès rencontrés (la liste est longue) elle peut se prévaloir d’avoir œuvré à garder l’espoir, à résister. Mettons donc de côté ces histoires de vengeance, il ne faut pas trop s’inspirer de la Bière de la Revanche lancée par Pasteur et qui a débouché sur l’avènement de la bière industrielle (Oups !)
Inspirons nous plutôt du titre d’un des premiers livres parus sur le brassage amateur et qui met en évidence le mot JOY. La joie de brasser, bon sang mais c’est bien sûr ! La joie de déguster, de partager, d’apprendre. Libre à certains de rester bloqués dans le système et de trouver ça « sensationnel »… Il va falloir continuer à le défendre, le soutenir et le faire vivre ce mouvement Craft les amis. Mais on aime ça non ? À la bonne votre mes gens et restez joyeux.
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Pierre ULTRÉ